Au travers d’un nouvel arrêt du 24 avril 2024, la Cour de cassation rappelle que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations doivent permettre à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable. A défaut, toute convention de forfait annuel en jours qui serait fondée sur de telles dispositions est nulle.
Dans cette espèce, une salariée contestait notamment l’application de son forfait jours sur l’année et réclamait le paiement d’heures supplémentaires.
Au visa de la protection de la santé, principe constitutionnel et européen, les références textuelles étant rappelées dans la motivation de la Cour, cette dernière rappelle qu’il ne peut être dérogé aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur.
Ce faisant, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.
A défaut de garanties suffisantes présentées par l’accord collectif, la convention de forfait jours est nulle.
En l’espèce, la Convention collective (Cabinets d’avocats) et l’accord collectif prévoyaient les mesures suivantes :
- le nombre de journées ou demi-journées de travail était comptabilisé sur un document établi à échéance régulière par le salarié concerné et précisant le nombre de journées ou de demi-journées de repos pris, selon une procédure prévue par l’employeur,
- il appartenait aux salariés concernés de respecter les dispositions impératives ayant trait au repos quotidien et au repos hebdomadaire, l’employeur devant veiller au respect de ces obligations,
- le suivi du temps de travail effectué pour tout collaborateur sur une base annuelle,
- la « recherche » de la direction à faire un point chaque trimestre et à attirer l’attention des collaborateurs dont le suivi présente un solde créditeur ou débiteur trop important afin qu’ils fassent en sorte de régulariser la situation au cours du trimestre suivant,
- les dispositions rappelant que le salarié doit organiser son travail pour ne pas dépasser onze heures journalières, sous réserve des contraintes horaires résultant notamment de l’exécution des missions d’intérêt public,
- la réalisation d’un entretien annuel avec sa hiérarchie portant sur l’organisation du travail, sa charge de travail, l’amplitude de ses journées d’activité, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale et sa rémunération,
- l’obligation faite à l’employeur d’analyser les informations relatives au suivi des jours travaillés au moins une fois par semestre,
- la faculté pour le salarié de pouvoir alerter sa hiérarchie s’il se trouve confronté à des difficultés auxquelles il estime ne pas arriver à faire face.
La Cour de cassation estime que ces dispositions ne permettent pas à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.
La Haute juridiction relève également que “la charte des bonnes pratiques en matière d’organisation du temps de travail“, qui avait été mise en place de l’employeur pour “compléter l’ensemble des dispositions conventionnelles applicables“, n’était de nature à répondre aux exigences de l’article L. 3121-65 du code du travail.
Par voie de conséquence, la convention de forfait jours sur l’année conclue sur la base de ces dispositions a été jugée nulle.