Par deux arrêts du 5 juillet 2023 (n°21-23.222 et 21-23.387), la Cour de cassation rappelle que l’employeur doit pouvoir remédier en temps utile à une charge de travail déraisonnable, en cas de recours à une convention de forfait en jours.
La Haute juridiction considère ainsi que dès lors que les dispositions conventionnelles instituant le forfait exprimé en jours sur l’année ne prévoient pas de « suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable », ces dispositions « ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé ».
Dans le 1er arrêt, les dispositions de la convention collective du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle (avenant du 3 juillet 2014) :
- prévoyaient un système auto-déclaratif, les salariés concernés devant renseigner un document de suivi du forfait, lequel faisait apparaître le nombre et la date des journées travaillées, le positionnement et la qualification des jours non travaillés,
- rappelaient la nécessité de respecter une amplitude et une charge de travail raisonnables,
- instituaient l’entretien annuel permettant notamment de vérifier l’adéquation de la charge de travail au nombre de jours prévu par la convention de forfait « et de mettre en œuvre les actions correctives en cas d’inadéquation avérée ».
La Cour de cassation invalide ces dispositions relatives au forfait en jours sur l’année, car elles ne permettent pas à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible du salarié concerné avec une durée raisonnable.
Dans le 2nd arrêt, les dispositions d’un accord d’entreprise, attaché à la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire du 13 août 1999, :
- rappelaient les 11 heures consécutives de repos quotidien, les 35 heures consécutives de repos hebdomadaire,
- prévoyaient un contrôle du nombre de jours travaillés, l’établissement d’un document récapitulatif par le salarié des jours de repos,
- instituaient la mise en place d’un entretien annuel au cours duquel seraient évoqués l’organisation du travail, l’amplitude des journées d’activité et la charge de travail en résultant, ainsi que l’obligation de respecter un équilibre satisfaisant entre la vie professionnelle et la vie personnelle.
Ces dispositions sont également jugées pas suffisamment protectrices par la Cour de cassation.
Cette dernière ne donne cependant aucune définition de ce qu’elle entend par la notion de « temps utile », délai sous lequel l’employeur doit intervenir, ni de celle de la durée raisonnable, à l’aune de laquelle doit être appréciée la charge de travail éventuellement incompatible.
A se demander si la Haute juridiction n’entend pas finalement remettre en cause le principe même de la convention de forfait en jours, sans le dire expressément…
1er arrêt :
2ème arrêt :