Par un arrêt en date du 7 juin 2023 (n°21-22.340), la Cour de cassation est revenue sur le régime de la preuve des heures supplémentaires.
Un salarié, engagé en qualité d’adjoint au directeur secteur d’activités, est licencié le 28 décembre 2015 pour insuffisance professionnelle.
Il saisit la juridiction prud’homale en contestation de cette mesure et sollicite le versement de diverses sommes à ce titre mais également au titre d’heures supplémentaires.
En première instance et au stade de l’appel, il obtient gain de cause s’agissant du licenciement, jugé abusif.
Souhaitant obtenir des rappels de salaire pour heures supplémentaires, il forme un pourvoi en cassation.
Au visa des articles L. 3171-2 et L. 3171-4 du Code du travail, la Haute juridiction rappelle :
– qu’il appartient à l’employeur, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, d’établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective. Il devait, d’ailleurs, selon l’ancienne rédaction de l’article L. 3171-3 du Code du travail, tenir ces éléments à la disposition de l’inspecteur du travail ;
– que le juge apprécie la réalisation des heures supplémentaires selon les éléments suffisamment précis qui doivent être produits d’abord par le salarié auxquels doit répondre ensuite l’employeur.
La Cour de cassation ajoute que : “Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant“.
C’est en application de ces textes que la Cour d’appel a considéré que la production d’un décompte hebdomadaire des heures prétendument accomplies par le salarié, d’un listing de mails reçus et adressés ainsi que des exemples de mails n’était pas suffisamment précise :
« 8. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d’un rappel de salaire pour heures supplémentaires outre les congés payés afférents, l’arrêt constate que ce dernier produit un décompte hebdomadaire des heures qu’il soutient avoir accomplies, le listing des mails reçus et adressés ainsi que des mails. Il relève que le décompte produit par le salarié en pièce n° 79 se rapporte uniquement au volume d’heures supplémentaires revendiquées par le salarié, sans fournir d’information concernant ses horaires quotidiens, que le listing de mails produit en pièce n° 80 ne permet pas davantage de les déterminer, tout comme les mails communiqués en pièces n° 95 à 97, étant précisé qu’il n’appartient pas à la cour de rechercher quels ont été les horaires quotidiens du salarié durant les deux années de la relation de travail ».
De son côté, la Cour de cassation n’est pas sensible à un tel argumentaire et casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles en relevant :
« en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre, la cour d’appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé ».
Un pas de plus du côté du salarié, sans que le juge n’ait à préciser dans sa décision “le détail du calcul [des heures supplémentaires], l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant“ …