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Pas d’astreinte quand le salarié peut ne pas répondre à l’appel

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Aux termes d’un arrêt du 13 avril 2023, la Cour de cassation précise pour la première fois, à notre connaissance, que lorsqu’un salarié est contacté en dehors de son horaire de travail et n’est pas obligé de répondre à l’appel, il n’existe pas d’astreinte (Cass. Soc. 13 avril 2023, n°21-18.680).

Pour mémoire, l’astreinte est définie comme étant « une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif » (article L. 3121-9 du code du travail et Cass. Soc. 26 octobre 2022, n°21-14178).

 

L’astreinte est caractérisée par deux éléments :

  • Son lieu d’exécution, qui n’est pas le lieu de travail,
  • Le niveau de disponibilité du salarié, qui doit pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles pendant le temps où il n’est pas sollicité.

Nombreuses sont les situations où l’employeur doit envisager de mettre en place un système d’intervention de ses salariés en dehors de leurs horaires de travail, notamment en cas de panne, de dysfonctionnement d’outils de production, ou encore, comme c’était le cas dans l’arrêt du 13 avril 2023, en cas de déclenchement d’une alarme.

Le système d’intervention était le suivant : l’alarme se déclenchant, l’entreprise de télésurveillance doit alors procéder à un contre-appel sur le site client, où la personne ayant déclenché l’alarme doit donner le code à l’opérateur pour désactiver l’alarme. En l’absence de réponse ou de code erroné, l’entreprise de télésurveillance doit alors prévenir un des quatre salariés du site client qui doit procéder à une levée de doute.

Un de ces quatre salariés du site client considérait que le temps passé à attendre une éventuelle levée de doute, en dehors de ses horaires de travail et de son lieu de travail, devait s’analyser en une astreinte, aux motifs qu’il devait demeurer joignable sur son téléphone par la société pour intervenir à sa demande.

Ce système d’intervention en “escalier” supposait que la première personne à contacter soit joignable, puis à défaut de réponse, au tour des autres salariés ; à charge pour celui qui répondait à l’appel, de se déplacer en cas d’intervention sur le site, impliquant que la personne qui intervient soit à proximité du site, une telle situation laissant donc supposer qu’elle pouvait être qualifiée d’astreinte.

En effet, à titre d’exemples, ont été qualifiées d’astreintes :

  • Le temps où le salarié est tenu de pouvoir être joint téléphoniquement pour répondre à un appel de l’employeur et intervenir au service de l’entreprise (Cass. Soc. 2 mars 2016, n°14-14.919),
  • L’obligation de rester en permanence disponible à l’aide de son téléphone portable pour répondre à d’éventuels besoins et se tenir prêt à intervenir en cas de besoin (Cass. Soc. 12 juillet 2018, n°17-13.029).

Tel n’était pas le cas dans cet arrêt : la Cour de cassation explique qu’il ne s’agit pas d’astreinte car les personnes susceptibles d’être contactées n’étaient pas obligées de répondre à l’appel, et partant, d’intervenir, dès lors que si personne ne pouvait être joint, la société de télésurveillance intervenait elle-même (Cass. Soc. 13 avril 2023, n°21-18.680).

Nous appelons toutefois à la plus grande prudence : s’il semble que cet arrêt puisse permettre à l’employeur de faire échapper à la qualification d’astreinte, la situation où le salarié peut éteindre son téléphone et donc choisir d’intervenir ou non, il n’en demeure pas moins que :

  • Il s’agit du premier arrêt sur ce sujet, non soumis à publication ;
  • De surcroît, certaines Cours d’appel ont eu l’occasion de se prononcer sur le sujet ; à titre d’exemple, la Cour d’appel de Bordeaux a notamment jugé concernant un système d’alerte où le salarié pouvait refuser toute intervention que, si le salarié refusait, « le relais était dans ce cas pris par M. [U] ‘également destinataire des alertes maintenances le soir et le week-end’, indication qui démontre néanmoins que M. [J] était bien le ‘premier saisi’ en cas d’incident  », cet élément étant notamment pris en considération pour estimer que la preuve était rapportée par le salarié que, dans le cadre de ses fonctions de responsable maintenance, il effectuait des périodes d’astreinte (CA Bordeaux 11 mai 2022 n°19/01562) ;
  • Enfin, il sera rappelé que si le salarié répond à l’appel et décide d’intervenir, dans une telle hypothèse les dispositions relatives au temps de travail effectif s’appliquent et l’employeur devra également appliquer celles concernant le repos quotidien et se soumettre aux conditions de dérogation (obtenir l’autorisation de l’inspection du travail s’agissant d’activités spécifiques, en cas de surcroît d’activité ou de travaux urgents), mais également celles relatives au repos hebdomadaire, aux heures supplémentaires (majoration, contingent, contrepartie obligatoire en repos) et aux durées maximales du travail.

https://www.courdecassation.fr/decision/6437a3219477fe04f5cc6a48?judilibre_juridiction=cc&judilibre_chambre[]=soc&page=7&previousdecisionpage=7&previousdecisionindex=3&nextdecisionpage=7&nextdecisionindex=5

 

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