Pour mémoire, l’installation d’un dispositif de vidéosurveillance susceptible de contrôler et surveiller l’activité des salariés, permettant de visionner, d’enregistrer, et le cas échéant d’archiver les images ainsi captées, suppose notamment de (Cass. Soc. 10 novembre 2021 n°20-12.263) :
- Informer les salariés (L1222-4 du code du travail)
- Et consulter le CSE sur l’utilisation de ce dispositif de vidéosurveillance à cette fin (L2312-38 3e alinéa du code du travail).
A défaut de respecter les conditions de mise en œuvre d’un dispositif de contrôle de l’activité des salariés, la preuve des faits fautifs établis au moyen d’un tel dispositif est illicite et donc irrecevable et l’employeur ne peut valablement pas se servir des enregistrements captés.
Dans un arrêt rendu le 8 mars dernier, la Cour de cassation se prononce non sur l’illicéité des enregistrements, mais sur le recueil des éléments fondant le licenciement, à savoir l’obtention du procès-verbal faisant mention des enregistrements vidéo captés établissant les manquements d’un salarié.
Dans cet arrêt, un conducteur-receveur a déposé une plainte en raison du vol de tickets de bus. Une enquête est menée, lors de laquelle l’employeur a remis à la police des enregistrements vidéos. Si cette enquête n’a pas permis d’identifier l’auteur du vol, elle a en revanche révélé que le salarié avait fumé dans le véhicule et s’était excessivement servi de son téléphone portable en situation de conduite.
Ces manquements, constatés sur la base des enregistrements vidéo, ont été retranscrits dans le procès-verbal de l’enquête.
C’est dans ces circonstances que l’employeur a procédé au licenciement de ce salarié pour faute grave, ses manquements constituant de multiples infractions aux règles de la sécurité routière.
Le salarié a contesté son licenciement, au double motif que :
- L’employeur avait irrégulièrement obtenu le procès-verbal, n’étant ni l’auteur du dépôt de plainte, ni n’ayant été appelé à la procédure pénale comme partie civile ou en tant qu’employeur du fait de son préposé,
- L’employeur avait illicitement transmis les images de l’enregistrement du système de vidéoprotection fondant à elles seules le procès-verbal des services de police, puis s’était servi du résultat de celui-ci consignés par ces derniers, comme mode de preuve dans la procédure disciplinaire interne ayant abouti au licenciement.
La Cour d’appel a accueilli les demandes du salarié en considérant que « l’utilisation de moyens de preuve illicites prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ».
Devant la Cour de cassation, l’employeur a invoqué les moyens suivants :
- L’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, la production d’éléments obtenus illicitement étant possible, à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit à la preuve et que l’atteinte aux droits du salarié, à la supposer établie, soit proportionnée au but poursuivi
- Le procès-verbal lui a été spontanément communiqué par les services de police et son utilisation constitue un procédé loyal d’obtention de la preuve
La Cour de cassation confirme la décision de la Cour d’appel en retenant notamment que l’employeur s’était fondé sur le procès-verbal d’enquête faisant état de ces enregistrements dont il avait été irrégulièrement destinataire pour prouver la faute du salarié et procéder à son licenciement.
Ce faisant, le procès-verbal avait été obtenu de manière illicite, était donc irrecevable et ne pouvait pas fonder le licenciement du salarié.
En particulier, la Haute juridiction a relevé que “de l’aveu même de l’employeur, la communication du procès-verbal était intervenue dans le cadre informel des relations qu’il entretenait pour les besoins de son activité avec les autorités de police, en sorte qu’au sens de l’article R. 156, alinéa 1, du code de procédure pénale, cette délivrance de pièce issue d’une procédure pénale à laquelle l’employeur était tiers, intervenue sans justification d’une autorisation du procureur de la République, était illicite“.