Dans deux arrêts récemment rendus, la Haute juridiction a retenu des solutions pouvant être sources d’insécurité juridique en matière de délais de prescription s’appliquant à un licenciement.
Le premier de ces arrêts, daté du 18 janvier 2023 (n°21-20645), porte sur le point de départ du délai de prescription de deux mois en cas d’engagement d’une procédure disciplinaire et la qualité de la personne informée des faits, objets de cette procédure.
Rappelons que l’article L. 1332-4 du Code du travail prévoit qu’une sanction disciplinaire est régulière si les poursuites disciplinaires sont engagées dans le délai de deux mois à compter du jour où l’employeur a connaissance des faits fautifs du salarié.
La jurisprudence est venue préciser que ces poursuites disciplinaires sont engagées à la date de la convocation du salarié à l’entretien préalable (notamment : Cass. soc. 5 février 1997, n°94-44538) et le délai de prescription de deux mois s’apprécie au jour où l’employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits fautifs (notamment : Cass. soc. 30 octobre 1997, n°95-43800).
Quid de la qualité de la personne informée de ces faits et entendue comme « employeur » au sens de l’article L. 1332-4 du Code du travail ?
Dans sa décision du 18 janvier 2023, la Cour de cassation considère que « l’employeur, au sens de ce texte, s’entend non seulement du titulaire du pouvoir disciplinaire, mais également du supérieur hiérarchique du salarié, même non titulaire de ce pouvoir », avant de retenir dans cette espèce que le salarié à qui il était reproché des propos tenus à l’encontre de son supérieur hiérarchique ayant conduit à son licenciement était bien-fondé à soulever la prescription de ces faits dès lors que ce supérieur hiérarchique avait attendu plus de deux mois pour en informer son propre supérieur et que ce dernier ne pouvait se prévaloir du moment où il en avait eu lui-même connaissance pour soutenir que le délai de prescription de l’article L. 1332-4 du Code du travail avait été respecté.
Cette solution n’est certes pas nouvelle (notamment : Cass. soc. 23 juin 2021, n°20-13762 et 19-24020), mais fait peser sur l’employeur le risque qu’il ne soit pas informé de faits fautifs dans les temps (par exemple : si le supérieur hiérarchique n’est pas réactif), voire le soit mais à mauvais escient (par exemple : en cas de dénonciation de faits inexacts).
S’agissant à présent de l’arrêt rendu le 25 janvier 2023 (n°21-17791) par la Haute juridiction, il concerne les cas de suspension du délai de prescription pour contester un licenciement devant un juge prud’homal.
A cet égard, selon l’alinéa 2 de l’article L. 1471-1 du Code du travail, le délai de prescription est de douze mois – deux ans au moment des faits à l’origine de cet arrêt – à compter de la notification de la rupture du contrat de travail.
Par ailleurs, l’article 2234 du Code civil précise que « la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ».
Sur le fondement de cet article, la Cour cassation, dans son arrêt du 25 janvier 2023, juge recevable l’action d’une salariée contestant la rupture de son contrat de travail notifiée le 2 novembre 2015 devant le juge prud’homal plus de deux ans après.
Pour ce faire, elle relève que des « certificats médicaux produits qui indiquaient que, à la suite de son hospitalisation en juillet 2015 et durant les trois années qui ont suivi, la salariée présentait d’importants troubles anxio-dépressifs, s’accompagnant de crises de panique incessantes, l’empêchant de mener à bien toute démarche tant personnelle que sociale et administrative, notamment lors de la gestion de son dossier prud’homal, et que son état s’était aggravé à compter de février 2016, (…) caractérisant la force majeure, [de sorte qu’il] a pu en [être déduit] que la salariée s’était trouvée dans l’impossibilité d’agir et que la prescription avait été suspendue, rendant recevable l’action introduite le 2 février 2018 ».
Autrement dit, un certificat médical, dont le contenu peut « parfois » être sujet à débat, pourrait mettre à mal une disposition légale prévoyant un délai de prescription encadrant l’exercice d’une action en justice.
Gageons que cette décision n’ait été rendue qu’au regard du contexte factuel et très particulier de cette espèce.