Par une ordonnance de référé en date du 24 juin 2022, le Tribunal judiciaire de Créteil, saisi par le Comité social et économique central (CSEC) et plusieurs syndicats d’une société de distribution de biens ayant plusieurs magasins en France, a rendu une solution particulièrement contraignante pour les entreprises lors du déploiement d’un projet relevant des orientations stratégiques et intéressant plusieurs établissements (n° RG 22/00315).
Dans cette affaire, l’employeur avait consulté le CSE central sur les orientations stratégiques du groupe et leur déclinaison au sein des régions. À l’issue de plusieurs réunions, le CSEC refusait de rendre son avis.
Plusieurs mois plus tard, alors que le projet préalablement présenté était en cours de déploiement, le CSEC a saisi le Tribunal judiciaire afin qu’il soit jugé que l’entreprise devait le consulter au titre d’un projet important conformément à l’article L.2312-8 du Code du travail, mais devait également consulter les CSE régionaux au titre des mesures locales d’adaptation. En conséquence, les requérants demandaient à ce que le projet soit suspendu.
La Société s’opposait à ces demandes aux motifs notamment que :
– conformément à l’accord portant sur la représentation du personnel, le CSEC devait être seul consulté sur les orientations stratégiques en l’absence de mesures d’adaptation spécifiques à une ou plusieurs régions ;
– le projet ne comportait pas de mesures d’adaptation régionales ;
– le code du travail ne prévoit pas que les consultations sur les orientations stratégiques (C. trav., art. L.2312-17) et ponctuelle (C. trav., art. L.2312-8) doivent être organisées de façon cumulative dans l’hypothèse où le projet important fait partie intégrante d’un projet présenté et décliné dans les cadre des orientations stratégiques, de sorte qu’un projet suffisamment abouti qui n’est que la déclinaison des orientations stratégiques doit être présenté dans le cadre de cette consultation.
En dépit de ces arguments et de la transparence et de la loyauté dont la société avait fait montre à l’égard des élus, le Tribunal judiciaire fait droit aux demandes du CSE central et des syndicats dès lors que « la consultation du CSEC sur les orientations stratégiques ne saurait en l’espèce dispenser l’employeur de la consultation ponctuelle prévue par l’article L.2312-8 du code du travail alors que l’objet de ces deux consultations sont distincts ».
Compte tenu du projet et de ses incidences locales, le Tribunal judiciaire juge que l’absence de consultation ponctuelle du CSEC et des CSE régionaux constitue un trouble manifestement illicite justifiant la compétence du juge des référés et fait droit aux demandes des requérants.
Alors que la Cour de cassation vient de clore un débat en jugeant que « la consultation ponctuelle sur la modification de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise ou en cas de restructuration et compression des effectifs n’est pas subordonnée au respect préalable par l’employeur de l’obligation de consulter le comité social et économique sur les orientations stratégiques de l’entreprise » (Cass. soc., 21 septembre 2022, n°20-23.660, publié au bulletin), cette décision du Tribunal judiciaire de Créteil devrait en ouvrir un nouveau…