Dans le cadre du contentieux du licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement d’un salarié protégé, le Conseil d’Etat et la Cour de cassation ont retenu pour principe qu’il n’appartenait pas à l’inspecteur du travail « dans l’exercice de ce contrôle, de rechercher la cause de cette inaptitude, y compris dans le cas où la faute invoquée résulte d’un harcèlement moral dont l’effet, selon les dispositions combinées des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 du code du travail, serait la nullité de la rupture du contrat de travail » (CE, 20 nov. 2013, no 340591 ; Cass. soc. 27 nov. 2013 n°12-20301), de sorte que « l’autorisation de licenciement donnée par l’inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l’origine de l’inaptitude lorsqu’il l’attribue à un manquement de l’employeur à ses obligations »(Cass, soc. 15 avr. 2015, n°13-21.306).
En ce sens, la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 15 juin 2022 et publié au bulletin (n°20-22430), est venue rappeler ce principe en précisant que si le juge ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire postérieurement au prononcé du licenciement notifié sur le fondement d’une autorisation administrative de licenciement accordée à l’employeur, il lui appartient, le cas échéant, de faire droit aux demandes de dommages-intérêts au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse ou de la nullité du licenciement ainsi que d’ordonner le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage.
En l’espèce, une salariée, par ailleurs membre du CHSCT d’une entreprise, avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de paiement de diverses sommes. Finalement, elle avait été licenciée a pour inaptitude et impossibilité de reclassement après autorisation de l’inspecteur du travail.
La Société a interjeté appel de l’arrêt rendu par la Cour l’ayant condamnée à payer à la salariée diverses sommes au titre de l’indemnité de préavis et de congés payés afférents, ainsi que « pour licenciement nul », ayant ordonné de lui remettre les documents de fin de contrat de travail et les bulletins de paie rectifiés et de procéder au remboursement des allocations chômage, aux motifs que lorsqu’un licenciement a été notifié à la suite d’une autorisation administrative de licenciement :
- le juge judiciaire ne pouvait, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire formée par le salarié, même si sa saisine était antérieure à la rupture,
- le même juge judiciaire ne pouvait, sur le même fondement, remettre en cause la validité du licenciement et donc accorder au salarié des dommages-et-intérêts pour licenciement nul,
- il ne pouvait davantage ordonner le remboursement par l’employeur des allocations chômage versées au salarié par Pôle emploi.
La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la Société en jugeant que :
« 7. L’autorisation de licenciement donnée par l’inspecteur du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les juridictions judiciaires tous les droits résultant de l’origine de l’inaptitude lorsqu’il l’attribue à un manquement de l’employeur à ses obligations. A cet égard, si le juge ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur une demande de résiliation judiciaire postérieurement au prononcé du licenciement notifié sur le fondement d’une autorisation administrative de licenciement accordée à l’employeur, il lui appartient, le cas échéant, de faire droit aux demandes de dommages-intérêts au titre de l’absence de cause réelle et sérieuse ou de la nullité du licenciement ainsi que d’ordonner le remboursement par l’employeur aux organismes intéressés des indemnités de chômage.
8. Ayant constaté que, à la suite du harcèlement moral subi par la salariée ayant rendu impossible la poursuite du contrat de travail, celle-ci avait été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement et fait ressortir que cette inaptitude avait pour origine le harcèlement moral dont la salariée avait été victime, la cour d’appel, qui a condamné en conséquence l’employeur à une indemnité pour licenciement nul et à une indemnité compensatrice de préavis ainsi qu’au remboursement des indemnités de chômage, n’encourt pas les griefs du moyen ».