Prescription des cotisations et contrôle URSSAF : où en est-on ?
Par Mes Alexandra DABROWIECKI et Marine MUSA (MGG VOLTAIRE)
Les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l’année civile au titre de laquelle elles sont dues (cinq ans en cas d’infraction de travail illégal) (L.244-3 et L.244-11 du Code de la sécurité sociale).
Dans le passé, il n’était pas rare qu’une mise en demeure envoyée un peu tardivement à l’issue d’un contrôle URSSAF permette au cotisant d’opposer cette prescription et de gagner une année de redressement.
Pour éviter cet écueil, certains inspecteurs précipitaient la procédure de contrôle pour que la mise en demeure puisse être adressée in extremis à la fin du mois de décembre.
Pour remédier à cette situation et préserver les droits de l’URSSAF en matière de recouvrement, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 est venue modifier l’article L. 244-3 du Code de la sécurité sociale, qui prévoit depuis le 1er janvier 2017, que ce délai de prescription est suspendu pendant la période contradictoire(phase d’échanges entre l’URSSAF et le cotisant).
Par exemple, les cotisations afférentes à la période d’emploi de janvier 2017 sont en principe prescrites le 1er janvier 2021. En cas de contrôle comportant une période contradictoire d’un mois, la prescription sera acquise le 1er février 2021.
La définition de la période contradictoire a fait l’objet d’évolutions.
Le point de départ est fixé par l’article L.243-7-1 A du Code de la sécurité sociale aux termes duquel la lettre d’observations engage la période contradictoire préalable à l’envoi de toute mise en demeure.
Le terme de la période contradictoire a été précisé par décret.
1. Définition de la période contradictoire issue du décret du 25 septembre 2017
Le décret n°2017-1409 du 25 septembre 2017 a précisé que :
– la période contradictoire prévue à l’article L.243-7-1 A est engagée à compter de la réception de la lettre d’observations par la personne contrôlée, qui dispose d’un délai de trente jours pour y répondre ;
– la période contradictoire prend fin à la date de l’envoi de la mise en demeure (R.243-59 du Code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur à compter du 28 septembre 2017).
Ces dispositions, applicables aux contrôles initiés entre le 28 septembre 2017 et le 31 octobre 2019, étaient contestables à plusieurs égards.
En premier lieu, elles n’avaient aucun sens car :
– en fixant le terme de la période contradictoire à la date d’envoi de la mise en demeure, elles permettaient à l’URSSAF de suspendre indéfiniment la prescription, en augmentant au passage le montant des majorations de retard,
– le délai de prescription suspendu par la lettre d’observations ne pouvait jamais reprendre son cours, dès lors que la mise en demeure avait à la fois vocation à mettre fin à la suspension de la prescription et à interrompre cette même prescription.
Ces dispositions n’étaient, en outre, pas cohérentes avec l’article L.243-7-1 A du Code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur depuis le 23 décembre 2018 qui dispose que « la durée de la période contradictoire peut être prolongée sur demande du cotisant » et dont il résulte, par conséquent, que la période contradictoire doit s’entendre comme celle correspondant aux échanges entre l’inspecteur et le cotisant.
Le décret n°2019-1050 du 11 octobre 2019 est venu mettre fin à cette insécurité juridique en modifiant ces dispositions.
2. Définition de la période contradictoire depuis le 1er janvier 2020
Le décret n°2019-1050 du 11 octobre 2019 a modifié la définition de la période contradictoire en prévoyant que :
– la période contradictoire prévue à l’article L.243-7-1 A est engagée à compter de la réception de la lettre d’observations par la personne contrôlée, qui dispose d’un délai de trente jours pour y répondre. Ce délai peut être porté, à la demande de la personne contrôlée à 60 jours. A défaut de réponse de l’organisme de recouvrement, la prolongation du délai est considérée comme étant acceptée.
– la période contradictoire prend fin :
o en l’absence de réponse de la personne contrôlée, au terme du délai de 30 jours, éventuellement renouvelé,
o ou à la date d’envoi de la réponse de l’agent chargé du contrôle (R.243-59 du Code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2020).
Ces dispositions sont applicables aux contrôles engagés depuis le 1er janvier 2020.
Si ces nouvelles dispositions semblent plus protectrices du cotisant, le terme de la période contradictoire, fixé à la date d’envoi de la réponse de l’agent chargé du contrôle, demeure à la discrétion de l’organisme de recouvrement qui n’est pas tenu de répondre au cotisant dans un délai déterminé, alors que les majorations de retard continuent de courir pendant cette période…
Dans ces conditions, afin de préserver la sécurité juridique du cotisant, une limitation de la suspension du délai de prescription des cotisations pendant une durée déterminée serait bienvenue.
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