La Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) a été saisie de deux questions préjudicielles similaires par les cours de cassation bulgare et italienne, portant sur les droits à congés de deux salariées licenciées puis réintégrées dans leur emploi à la suite de l’annulation judiciaire de leur licenciement.
Les questions posées étaient les suivantes :
- un salarié illégalement licencié puis réintégré dans son emploi a-t-il le droit de bénéficier de congés payés pour la période d’éviction, c’est-à-dire pour la période comprise entre la date de son licenciement et la date de sa réintégration ?
- dans l’affirmative, en cas de rupture du contrat ultérieure à sa réintégration, le salarié a-t-il le droit de bénéficier d’une indemnité au titre des congés payés non pris pour la période d’éviction ?
La CJUE s’est prononcée sur ces questions dans une décision du 25 juin 2020, aux termes de laquelle elle a estimé qu’un salarié illégalement licencié et réintégré dans son emploi peut bénéficier de congés payés pour la période comprise entre la date de son licenciement et celle de sa réintégration.
Considérant que la situation du salarié illégalement licencié puis réintégré est comparable à celle du travailleur en arrêt maladie, la CJUE assimile ainsi la période d’éviction à du temps de travail effectif au motif que « le fait qu’un travailleur a été privé de la possibilité de travailler en raison d’un licenciement jugé illégal par la suite est, en principe, imprévisible et indépendant de la volonté de ce travailleur ».
La CJUE en déduit que :
- le salarié dont le licenciement a été annulé et qui réintègre son emploi est en droit de faire valoir tous les droits au congé annuel payé acquis pendant la période d’éviction, sans limite,
- si le salarié est à nouveau licencié après sa réintégration, il peut prétendre à une indemnité pour les congés payés non pris, y compris ceux correspondant à la période d’éviction.
La CJUE a toutefois apporté une limite importante à ce principe dans le cas où le salarié a occupé un autre emploi pendant la période d’éviction: le salarié ne peut revendiquer auprès de son premier employeur des droits à congés payés au titre de la période pendant laquelle il a occupé ce nouvel emploi. C’est le nouvel employeur qui reste redevable des droits à congés correspondant à cette période d’emploi.
La position de la Cour de cassation française est contraire à celle de la CJUE dans la mesure où elle continue de faire dépendre l’acquisition de congés payés comme contrepartie de l’exécution d’un travail effectif.
Selon une jurisprudence constante, et encore récemment réaffirmée, la Cour de cassation considère en effet que la période d’éviction entre le licenciement nul et la réintégration du salarié n’ouvre pas droit à l’acquisition de congés payés dès l’instant où cette période ne peut pas être considérée comme du travail effectif. (Cass. soc. 11 mai 2017, n° 15-19.731 ; Cass. soc. 30 janvier 2019, n° 16-25.672)
Nul doute que ce sujet, dont les conséquences financières peuvent être potentiellement très lourdes pour les entreprises, va donner lieu à de nombreux contentieux devant les juridictions nationales.
CJUE, 25 juin 2020, aff. 762/18, QH c/ Varhoven kasatsionen sad na Republika Bulgaria et aff. 37/19, CV c / Iccrea Banca SPA Istituto Centrale del Credito Cooperativo