En principe, seuls des manquements récents peuvent justifier la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur. Dans une décision rendue le 15 janvier 2020, la Cour de cassation assouplit toutefois cette position en retenant que des manquements anciens, mais persistants, peuvent être invoqués par le salarié au soutien de sa demande (Cass. soc. 15 janvier 2020, n°18-23.417).
Le salarié qui reproche à l’employeur des manquements à ses obligations peut prendre acte de la rupture de son contrat. La prise d’acte entraîne la cessation immédiate de la relation de travail.
Afin de statuer sur les effets produits par cette rupture (démission ou licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse), les juges du fond doivent examiner l’ensemble des manquements invoqués par le salarié.
Il est ainsi jugé de manière constante que la rupture n’est justifiée qu’en cas de manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat.
Dans ce cadre, la Cour de cassation a considéré que tel n’était pas le cas de manquements anciens (notamment : Cass. soc. 26 mars 2014, n°12-23.634).
Cela étant, elle a dernièrement admis que le juge ne pouvait pas écarter les manquements invoqués au seul motif de leur ancienneté, dès lors que ceux-ci présentaient un caractère de gravité suffisant (Cass. soc. 19 décembre 2018, n°16-20.522).
Cette position a été confirmée dans l’arrêt du 15 janvier 2020, aux termes duquel la Cour de cassation a considéré que des manquements anciens et persistants pouvaient justifier la rupture aux torts de l’employeur.
En l’espèce, un salarié a sollicité de la juridiction prud’homale la requalification de sa demande de départ à la retraite en prise d’acte de la rupture aux torts de son employeur. Ce dernier faisait valoir que les manquements litigieux qui étaient invoqués à son encontre avaient duré plus de vingt ans et que le salarié avait attendu de pouvoir faire valoir ses droits à la retraite pour rompre le contrat, ce dont il résultait que ces manquements n’avaient pas rendu impossible la poursuite du contrat de travail.
Cette argumentation n’a pas été retenue par la chambre sociale :
« La cour d’appel, qui a constaté que le salarié avait été l’objet depuis 1992 d’actes d’intimidations, de menaces, d’une surcharge de travail et d’une dégradation de ses conditions de travail, de nature à affecter sa santé, constitutifs de harcèlement moral l’ayant conduit à l’épuisement et à l’obligation de demander sa mise à la retraite, ainsi que d’une discrimination syndicale dans l’évolution de sa carrière et de sa rémunération, a pu décider que la persistance de ces manquements rendait impossible la poursuite du contrat de travail ».